L'appel
de la couleur
Qu’est-ce que la peinture ? La question ne cesse d’interroger artistes et amateurs. Est-elle toujours vivante ? Et comment et où l’inscrire dans la formidable explosion de l’art aujourd’hui ? Que veut-elle, et que montre-t-elle ? Commençons par l’écouter, chez Olivier Cantenys. Un foisonnement et un bruissement, puis un mouvement qui trace une histoire. Celle de la couleur qui va vers la couleur. Pour s’exalter, pour s’opposer ou se confondre à l’autre, dans le jeu dynamique des percussions et des variations. Cela chante, cela danse ; cette musique-là du silence vient de notes anciennes et primitives, oubliées mais ressenties dans le rythme qui ponctue d’une forêt imaginée ses courbes et ses élans. La vie court et modèle ses tonalités vives : le rouge poétique, de toile en toile, omniprésent de l’ocre au rose ; ses rouges amoureux des blancs et des bleus turquoise ; le turquoise lumineux, le jaune rare, aux tons de sous-bois mêlés. Ses pans, ses flammes et ses gerbes, ses troncs, ses fleurs, ses broussailles, ses couleurs apposées les unes après les autres, verticales. Le secret, à la lumière tissé, fait de la couleur le creuset de sa force. Etrange sentiment guidé par un dessin imprévu et éphémère. Le geste disparaît derrière la couleur. Des paysages rêvés, océaniens peut-être, lyriques ou construits comme des cathédrales végétales. Il semble parfois que la peinture tende à concilier en un même tableau la folie et la raison, mais une folie jubilatoire, une raison d’harmonie. Une nature réconciliée avec la liberté, où la peinture, conçue par un homme pour d’autres hommes, hisse ses couleurs au degré de l’émotion particulière. Le sentiment que cette peinture, née de musiques du monde entier, réveille d’autres petites musiques intimes et inconnues. Et le tableau s’éclaire une seconde fois. Olivier Cantenys peint dans le mouvement, en improvisant, il invente en jouant des couleurs, tour à tour humides ou incandescentes ; pareil à un jazzman, un baroque, un rocker. Pour lui, la couleur c’est la lumière, comme les notes la musique. Il aime les larges plages contrastées, mais les jaillissements aussi. De la couleur à manger. La peinture est un plaisir. La musicalité de la peinture, les expressionnistes abstraits, Kandinsky en tête, mais aussi Klee ou Pollock l’ont perçue et exprimée tant à travers le geste que les valeurs tonales, la ligne que la rupture. Ils ont ouvert à la peinture un champ infini de résonances et d’appels. Olivier Cantenys s’y plonge avec appétit et délectation. La peinture se veut elle-même, et se régénère en puisant dans l’élément le plus simple qui la caractérise : la couleur. Cette exposition est un manifeste, au sens premier du terme, de la couleur aimée, retrouvée, assumée. Le peintre est celui-là même qui va chercher bien en deçà de sa volonté d’artiste la source de son art. Interpellé, le voilà projeté en avant par des impressions très anciennes, qu’il découvre et fait siennes à son tour. Si bien que le tableau devient le condensé unique d’une mélodie inachevée, dans laquelle Olivier Cantenys puise ses trouvailles et donne à voir un paysage sans cesse renouvelé : celui de nos origines, des battements de notre cœur, ici et maintenant.Texte de Laurence Pythoud, pour le catalogue de l'exposition au Théâtre Victor-Hugo - Maison des artistes de Bagneux (2000) Archivé à la B.N. ISBN 2-9515458-1-9 |